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“Tout mouvement de quelque nature qu’il soit est créateur.” (Edgar Allan Poe)

Gérer la colère avec l'improvisation théâtrale : mon expérience - L'oeil de Julie

Depuis petite, la colère est une émotion qui me déboussole ! Aujourd'hui, en tant que coach/formatrice en improvisation théâtrale, je suis souvent confrontée à la question de la colère, puisque la gestion des émotions et du stress est une thématique que je décline souvent en entreprises, en écoles, en structures sociales... Cette émotion, puissante et parfois déstabilisante, peut être difficile à appréhender et à canaliser, tant pour moi que pour ceux que j'accompagne.

Formatrice depuis les années 2000, j'ai été confrontée souvent à la frustration, à la contrariété de mes apprenants, face aux défis des examens et de la persévérance qu'ils exigent. J'ai vu de jeunes gens quitter des salles de cours en claquant des portes, des larmes de rage dans les yeux. 

Plus récemment, je retrouve auprès de ceux que je forme via l'impro cette forme de contrariété, qui va s'exprimer sous la colère, mais la source peut-être bien différente : impossibilité du contrôle dans le jeu, difficulté à trouver la piste de la co-construction quand on crée dans l'instant, peine à lâcher prise... Mes apprenants portent souvent l'émotion "colère" en étendard et voient à travers le jeu à quel point elle peut arriver vite et fort ! 

Plus personnellement, depuis que j'ai créé ma propre structure, je porte parfois malgré moi une colère sourde qui s'exprime face aux difficultés conjuguées et à leurs lots de désagréments : être à la fois directrice de l'école Tadam, responsable de la communication et des échanges avec mes clients, formatrice en entreprises et en école, comédienne lorsque nous proposons nos "spectacle-outils"... Et parfois juste femme, simple individu face à ses besoins fondamentaux : dormir, respirer, être rassurée et écoutée, évoluer dans un climat de paix et de sécurité, aimer et être aimée... Autant d'échos en moi que je n'écoute pas assez, prise dans le tourbillon de l'urgence et dans l'injonction de rester à ma place, celle que j'ai bien sur choisie, qui m'épanouit au quotidien et qui ne devrait pas m'irriter ! Alors, souvent, je mets un mouchoir dessus et je continue !

Il se trouve que je travaille depuis quelques mois une pièce de théâtre (et non, elle n'est pas improvisée !) et que la colère y est une émotion omniprésente, pour mon personnage, enfermé, empêchée et pourtant tellement libre : qu'est-ce qu'elle me ressemble ! Une révélation s'est alors imposée à moi : je me suis sentie dans l'incapacité d'incarner physiquement la colère, de la porter dans ma chair et dans mes gestes. Je l'ai tellement éteinte que je ne sais plus l'exprimer ! 

La colère : un défi à surmonter, en particulier pour les femmes

En tant que femme, j'ai souvent ressenti la pression sociale de réprimer ma colère, de la rentrer au lieu de l'exprimer. Petite fille déjà et adolescente encore, j'avais tendance à me révolter pour toute forme d'inégalité, tapant du pied pour obtenir gain de cause quand la maitresse (qui se trouvait être ma maman) voulait m'imposer des temps de lecture, ou défendant avec fougue mes camarades les plus fourbes sous ma casquette de déléguée de classe, comme investie d'une mission de justicière ! On m'a souvent fait savoir que mon besoin de sincérité ou de justice pouvait s'exprimer "plus calmement" et que mes "combats" n'avaient pas besoin de s'emporter ! Ce que j'ai fini par valider, je crois.

C'est vrai qu'il est moins fréquent d'entendre un homme taxé d'hystérique parce qu'il hausse le ton pour défendre ses droits ou ses privilèges. On y verra du courage et de la force de caractère : exprimer de la colère est souvent plus socialement accepté, voire valorisé dans certains contextes. Les hommes sont souvent encouragés à être assertifs et à affirmer leur autorité, leur leadership, ce qui peut inclure l'expression de la colère légitime dans certaines situations.

Cela crée un dilemme pour les femmes, qui se retrouvent coincées entre la pression sociale de réprimer leur colère (inacceptable, voire dangereuse) et le besoin légitime de l'exprimer pour défendre leurs droits et leurs limites. Cette tension peut conduire à une détresse émotionnelle importante, car la colère refoulée finit souvent par se retourner contre soi-même, engendrant du stress, de l'anxiété, voire des problèmes de santé. 

Cependant, cela ne signifie pas que les hommes sont exempts des défis liés à la gestion de la colère. Ils peuvent également se sentir submergés par cette émotion intense et avoir du mal à la gérer de manière constructive, soumis à des injonctions paradoxales.

Comprendre la colère : une émotion complexe aux multiples facettes

Je me suis donc questionnée personnellement les derniers années sur cette émotion qui cache souvent beaucoup et qui est très mal considérée socialement. Perdue à cheval entre difficulté à l'exprimer sereinement, mais également très vite complètement désarmée face aux cris et à la violence qui masquent parfois chez mes interlocuteurs l'expression d'un besoin simple mais difficile pour eux à verbaliser. 

La colère est une émotion primaire et universelle qui peut se manifester de diverses manières, allant de légères frustrations à une rage intense. Elle survient souvent en réponse à des situations perçues comme injustes, menaçantes ou frustrantes. La colère est souvent accompagnée d'une augmentation de la tension musculaire, d'une accélération du rythme cardiaque et d'une montée d'adrénaline, préparant ainsi le corps à réagir face à une menace perçue. Sur le plan comportemental, la colère peut se traduire par une agressivité verbale ou physique, mais elle peut également se manifester de manière passive, par exemple en se renfermant ou en se retirant de la situation.

Cependant, il est important de noter que la colère n'est pas nécessairement négative en soi. Elle peut être une réaction normale et saine à certaines situations, et elle peut même être motivante, incitant à agir pour résoudre un problème ou défendre ses droits. Cependant, lorsque la colère n'est pas gérée de manière appropriée, elle peut devenir destructrice, causant des dommages à soi-même et aux autres, tant sur le plan émotionnel que relationnel.

Pour de nombreuses personnes, la gestion de la colère est un défi constant, car elle est souvent associée à des sentiments de honte, de culpabilité ou d'impuissance. Par conséquent, il est essentiel de développer des compétences et des stratégies efficaces pour reconnaître, comprendre et gérer la colère de manière saine et constructive. C'est là que l'improvisation théâtrale entre en jeu, offrant un cadre unique pour explorer et travailler avec cette émotion puissante, tant sur le plan individuel que collectif.

L'incompréhension de la colère : se sentir submergé

Les derniers mois, Tadam Impro a multiplié les ateliers autour de la question des émotions. La demande croissante de mes clients pour des formations en intelligence émotionnelle est devenue manifeste ces derniers temps. L'entreprise a rapidement pris conscience de son importance incontestable. En effet, l'aptitude à comprendre et à gérer les émotions, tant les siennes que celles des autres, est devenue cruciale dans un monde où les relations interpersonnelles et le bien-être au travail occupent une place prépondérante. Cette tendance ne peut être ignorée, car elle reflète un besoin fondamental de développement personnel et professionnel. 

Lorsque les apprenants que j'accompagne sont confrontés à la colère, il est fréquent qu'ils se sentent submergés par cette émotion intense. Cette réaction peut découler d'une incompréhension des déclencheurs de leur colère ou des besoins qui se cachent derrière. Par exemple, imaginez un salarié confronté à une situation de travail stressante où il se sent constamment sous-estimé et ignoré par ses supérieurs. Chaque fois qu'il reçoit des critiques ou des ordres injustes, il ressent une bouffée de colère, mais il ne comprend pas exactement pourquoi. Il peut se sentir submergé par cette émotion, ne sachant pas comment la gérer ou comment réagir de manière appropriée. Il n'a pas été éduqué, accompagné, à reconnaitre ces signaux, à les interpréter, à les canaliser. 

De même, un élève de l'école Tadam en atelier d'improvisation théâtrale peut se retrouver en conflit avec un membre de son groupe lors d'une impro. Peut-être que ce conflit découle de différences d'opinions sur la direction à prendre dans une scène, ou peut-être que l'un des membres du groupe a l'impression de ne pas être entendu ou respecté. La co-construction recherchée dans l'improvisation théâtrale pour imaginer une histoire ensemble dans l'instant amène à faire ressortir la vivacité des émotions présentes. Quelle que soit la raison, cette situation peut déclencher des sentiments de colère et de frustration, et l'on peut se retrouver submergé par ces émotions sans comprendre pleinement leur origine ou comment les gérer de manière constructive. Les observer, les accepter, c'est déjà en faire quelque chose de constructif. 

L'improvisation théâtrale comme outil de gestion de la colère

Dans ces situations, l'improvisation théâtrale offre bien plus qu'un simple divertissement. C'est un laboratoire émotionnel où les participants peuvent expérimenter, explorer et apprendre à maîtriser leurs émotions, y compris la colère. Les exercices d'improvisation ne se limitent pas à des jeux amusants, mais ils sont conçus pour susciter des réponses émotionnelles authentiques. En se mettant dans la peau de différents personnages et en interagissant avec les autres membres du groupe, les participants sont confrontés à une variété de scénarii et de situations qui peuvent déclencher la colère.

Cependant, au lieu de réprimer ou d'éviter ces émotions, l'improvisation théâtrale encourage les participants à les explorer pleinement. En observant leurs réactions et en prenant du recul par rapport à leurs propres émotions, ils peuvent commencer à mieux comprendre ce qui les déclenche et pourquoi. Ce processus d'introspection et de prise de conscience est essentiel pour développer une gestion saine de la colère.

De plus, les interactions avec les autres membres du groupe offrent des occasions précieuses d'explorer des dynamiques relationnelles et de pratiquer des compétences de communication et de résolution de conflits. Apprendre à écouter activement, à exprimer ses opinions de manière assertive et à négocier des compromis sont autant de compétences qui peuvent aider à désamorcer les situations de colère et à prévenir les conflits futurs.

En comprenant mieux les déclencheurs de leur colère et en apprenant à reconnaître et à exprimer leurs besoins sous-jacents, les personnes que j'accompagne peuvent commencer à développer des stratégies efficaces pour gérer cette émotion de manière constructive. L'objectif n'est pas de supprimer la colère, mais de la canaliser de manière productive. En fin de compte, l'improvisation théâtrale offre un moyen unique de transformer la colère, souvent perçue comme une force destructrice, en une source d'inspiration et de croissance personnelle.

Grace à toutes ces expériences cumulées, celles d'accompagner et de former, d'observer mes apprenants dans leur évolution constante, mais également d'explorer mes propres freins à exprimer mes émotions, j'ai été amenée sur les derniers mois à valider ma propre colère, à l'accueillir sereinement. Je sais aujourd'hui que l'exprimer ne se cantonne pas à reproduire les stéréotypes de sa représentation : cris, tensions et violence verbale. Elle peut se manifester sainement, et me permettre de poser mes limites justes, en tant que coach, que dirigeante d'entreprise, que comédienne, que femme, qu'individu tout simplement ! 

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